CREATIONS
 

SILENCE !

2011


SILENCE est né d’un mouvement et d’une pensée ensemble révoltés. SILENCE dit pratiquement le contraire de son titre : il cherche les conditions d’être d’un cri né du mouvement et de la pensée ensemble révoltés.
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DR - M Guigou

-  Conception artistique et danse Émilie Borgo
-  Dramaturgie Brigitte Mercier
-  Danse Marcelo Sepulveda + Patricia Chenavier
-  Danse - Vidéo André Lambert
-  Poésie action Emmanuelle Pellegrini
-  Conception du dispositif vidéo Bernard Dutheil
-  Lumières Bernard Dutheil avec la complicité de Véronique Gougat
-  Création costumes Florie Bel
-  Création sonore Xavier Charles

-  Accompagnateurs complices Charline Ribaud, Jean-Paul Godeau


Silence ! D Gillet Extrait 2011

La création

La dramaturge et la chorégraphe, en lien étroit avec l’équipe ont définit les protocoles et processus de travail. Émotions, états de corps, de relation sont traversés pour s’engager dans la pièce. Le travail corporel est nourri de la pratique du Body Mind Centering® avec l’approche du spécifique des organes et du système endocrinien comme sources de sensation, d’énergie, d’émotion, de perception et de mouvement. La pièce s’appuie sur la mémoire des expériences communes traversées, réactivées au présent.

Plusieurs années passées à travailler avec des personnes en situation de handicap physique ou psychique ou d’une façon plus générale auprès des publics dits « empêchés » dans le cadre d’une pratique artistique (dansée, théâtralisée ou musicalisée) nous ont conduit à déplacer notre pensée et nos actes quotidiennement au regard de ce qu’il est convenu de nommer « l’esthétique et le politique » de nos expériences de création.

Dire public empêché c’est souvent se contenter d’être dans une position d’observation, de constations. Celles-ci, même si elles sont étayées d’analyses pertinentes, donnent très rarement les clefs nécessaires pour transgresser les règles qui permettent de sauter le pas pour se placer dans une position nouvelle : celle de l’action. Le handicap souligne particulièrement l’impossible. Il marque itérativement les frontières qu’elles soient corporelles, psychiques, neurologiques, psychologiques, sociales. A cause de cette singularité, il peut pousser à des formes artistiques qui voudraient la rogner, la voiler (pudiquement ou avec quelques perversité) ou encore le nier. Dès lors, comment faire pour ne pas céder à la tentation de se ménager un on va faire comme si... représentable ? Dès lors comment se poser la question du spectacle, d’un tout donné à voir comme tel normalement au sens de la représentation et éventuellement de la programmation... Comment se poser là, dans un espace spectaculaire, avec une équipe artistique composée d’acteurs valides et d’acteurs handicapés ? Comment le faire sans se trouver contraint d’avertir le public d’une différence qu’il entreverra ou anticipera forcément comme une composante particulière de ce qu’il lui est donné à voir, à entendre, à sentir, à accepter, à refuser, à souffrir, à jouir. Comment faire, en engageant SILENCE sur les voies de la représentation, qu’aucun alinéa, qu’aucune note en bas de page, ne signifie : attention danger, ce que vous allez voir est différent de ce que vous avez l’habitude de voir, ce que vous allez voir est particulier parce que de l’Extra-ordinaire s’en mêle qui a nom Handicap ! Comme si l’Extra-ordinaire n’était pas l’ordinaire du spectacle. Comme si on avait oublié que le baroque qui révolutionna le spectacle fut constitué d’incongruités somptueusement imaginaires et merveilleusement hors des cadres et des codes. Et c’est dans cette notion d’Extraordinaire, que nous avons choisi de travailler en nous posant quatre questions simples.


silence !
envoyé par cie_passaros.

Nos questions

Les artistes travaillent avec ce qui est là avant le mouvement, avant la parole, avant les mots. Qu’est ce qui aujourd’hui dans notre monde est tus ? Qui a le droit de cité, de vivre, de survivre, d’être vu ? Quelle place pour ce qui est mort ou considéré comme tel ? Quel espace pour le vide, l’imagination et la créativité ?

Sur ces questions nous avons charpenté SILENCE. 1/En travaillant sur une double perspective : le rapport au temps, le rapport à l’espace. Temps et espace étant considérés comme les deux conditions d’advenu du son et donc de l’absence de son, par extension, du mouvement et donc de l’absence du mouvement. Nous nous sommes donc proposé des thèmes de recherches et d’improvisations afférentes à ces questions. En les faisant entrer dans une sorte de catalogue ouvert et non exhaustif nous avons pu alors aller sur le plateau avec des petites interrogations qui nous semblaient entrer dans la composition de nos quatre questions. Ainsi : Qu’est ce qui se répète tant et tant qu’on ne l’entend plus ? Des ragots, des musiques, des rumeurs, des slogans... Qu’est-ce que l’écholalie si on la définie comme le perroquet de toutes choses entendues ? Rapport au temps : la fuite devant la fuite du temps. Rapport à l’espace : la fuite de la station, de l’immobilité dans l’espace. Comment être si on décide de se taire ? Pour un instant, pour toujours ? C’est quoi bouder ? Rapport au temps : scansion. Temps fragmenté. Rapport à l’espace : être vu quelque part.

Qu’est ce que c’est que la mise à l’écart ? Rapport au temps : le temps en boucle fermée. Rapport à l’espace : l’espace du corps. Qu’est-ce la privation de la mobilité ? Rapport au temps : scansion extérieur à soi. Rapport à l’espace : l’espace est soit grand mais imaginé, soit il est arrêté par la distance regard-murs. Qu’est ce que la privation du langage ? Rapport au temps : Le temps en fermeture et ouverture. Ne reste plus que la respiration pour l’appréhender. Rapport à l’espace : L’espace n’est plus porteur des ondes ni d’aucun son articulé. L’espace est-il vide ? Où sont les corps ? Où sont les bouches ? Comment le corps est-il constitué pour parler ? Qu’est-ce que signifie : faire les choses à moitié, parler à demi-mots ? Rapport au temps : perte du temps, partition du temps retour ou projection dans le temps. Rapport à l’espace : perte de l’espace, partition de l’espace. Support de la rêverie dans l’espace. Qu’est-ce que la durée d’un cri ? Combien de temps a duré le cri pour être entendu ? Qu’est-ce que la curiosité ? Rapport au temps : impatience. Savoir, accumuler des renseignements, questionner, le temps est précieux. Rapport à l‘espace : penser une limite. Du corps : buter. Du son : le larsen. Qu’est-ce que ne rien faire ? L’oisiveté. Rapport au temps : attendre que le temps s’écoule. Rapport à l’espace : Cultiver son jardin. Collusion de l’eau, de la terre et de l’air. Imaginer des limites quand l’oisiveté n’en a pas.

P. QUIGNARD : « Nous donnons souvent l’impression d’être des effets qui attendons les causes »

séquences

Le mouvement avec comme appui le déplacement de l’air. Le mouvement avec comme appui la phonation inarticulée ou articulée. Le mouvement avec comme appui un son extérieur diffusé (perçu ou non perçu par tous). Le mouvement qui génère le son (les micro-capteurs corporels). Le mouvement avec comme appui le déplacement des organes à l’intérieur de soi. Le mouvement avec comme appui le déplacement de la caméra. Le mouvement avec comme appui, la possibilité maintenant de le faire, de le refaire, ou de ne pas le faire. Le mouvement avec comme seul appui le regard. Le mouvement avec comme appui le contact direct avec le corps de l’autre.
-  qu’elles se développent selon deux axes : l’Horizontalité et la Verticalité.

Horizontalité et Verticalité

Dans ces deux mots-postures, l’Extra-ordinaire nous saute aux yeux, nous rattrape, nous contraint et nous force à inventer. Certains d’entre nous, acteurs de SILENCE pouvons passer de l’un à l’autre. D’autres non. Soit que cela soit physiquement impossible, soit que psychiquement et physiquement la prise en compte de l’une ou l’autre de ces positions implique une adhésion raisonnée ou non, consentie ou non, ou comprise ou non. En cela, se constitue l’Extra-ordinaire de tout un chacun quelque soit ce qu’il est. L’horizontalité ou la verticalité deviennent alors simplement une opportunité soit acceptée ou refusée, soit aidée dans le passage de l’une à l’autre. Et de toutes les façons un mode de jeu. C’est dès lors sur ces données, soit incontournables, soit aléatoires, que le spectacle se doit d’advenir. En les respectant à la lettre au moment où elles surgissent, y compris dans le déroulement du spectacle, et non en faisant l’exercice manipulateur d’y pallier si elles adviennent. Ce constat une fois fait ouvre le moment des choix esthétiques et dramaturgiques. Nous travaillons sur des lignes de tensions qui englobent le savoir-être dans les techniques de la parole, du chant, de la danse, du théâtre, de l’image captée en direct. Ces tensions sont extrêmes et fragiles, en équilibre, mais nous ne sommes pas sur le plateau pour convoquer le danger, mais seulement le risque qu’il y a à s’y tenir pour parler simplement des humains et de l’existence, à des humains qui ont une existence. Nous formons ensemble et pour le temps du spectacle une communauté de « bouffons » : sérieux et humours mêlés, nous sur scène en professionnels et eux dans la salle en spectateurs...Et les deux groupes peuvent alors se dire l’un à l’autre : « Tu me prends, tu me pousses ».

Tu me prends, tu me pousses

Cette phrase surgit pendant les improvisations qui ont émaillées notre travail pourrait être le sous titre de SILENCE. Le tu est une adresse. Sur scène, il se combine. On ne parle pas forcément à celui à qui il semble que l’on dit. Les coulisses et le plateau sont remplis d’interlocuteurs cachés, celui que l’on convoque souvent n’est pas celui qu’on attend et quand on se prépare à être deux, le duo tant souhaité peut se transformer. Qui surgit et parle, répond soudain à votre place, dans votre discours commencé ? Qui vient écouter et se pose là en témoin dont vous pensiez n’avoir pas besoin et qui devient soutien incongru ? Qui ramène à sa suite d’autres et leurs ombres mêmes. La lumière est là qui nous guide souvent. Elle fait des lignes : et on s’y aligne. Elle fait des fenêtres, ce sont celles d’un château. La dimension discursive du silence tient une place particulière chez l’homme puisque le silence nécessite la fonction imaginative Elles, les fenêtres aussi discourent... Qui faudra t-il jeter dehors pour être enfin seul. Que faut-il oublier pour permettre à deux, ou trois, ou quatre, ou tous d’entrer en faisant semblant de ne pas les voir. Ils font cela dans le silence. Allers-retours des uns et des autres, circulations, surgissement inattendus : tu me prends, tu me pousses, arrêtes de me prendre, je te repousse, tu ne veux pas être pris je te prends quand même, je ne veux pas que tu me pousses...où me pousses-tu ? M’as tu demander la permission de me pousser ? Tu me violentes ou simplement me déplaces ? Autant de propositions de mouvement et de saisies du temps.

Lumières et Images

La lumière nous découpe en train de faire au fur est à mesure de nos expériences de travail. Elle nous guide, nous oblige parfois. Elle fait et défait, elle aussi le silence. Elle peut suspendre le silence, le congédier. Elle peut l’inviter, dire qu’il suffit, qu’il a cessé de régner et réclamer soudain du son, comme par caprice, dont il pourra ressortir, pas forcément sain et sauf. Et à côté de la lumière, l’image. Ils sont ensemble forcément complices. L’un ménage l’autre, ou l’une donne un peu plus à l’autre une raison d’exister. Ils se respectent. L’image fait de la couleur. Celle des corps en train de danser. Grain de peau. Vêtements. Elle existe grâce à la lumière qui la ménage. C’est une autre saisie du silence.

Ressources artistiques & bibliographiques

-  Silence de Jonh Cage
-  La haine de la musique de Pascal Quignard
-  Pendant la matière de Valère Novarina
-  Les ombres projetées de Paul Chan, Exposition les traces du sacré 2008 - Centre G. Pompidou paris
-  Le life Art process d’Anna Halprin

La pièce a entre autre joué

au théâtre du Saulcy, Metz ; théâtre de Bourg-en-Bresse, théâtre d’Oyonnax, Université Lyon 2...

fiche technique lumière à télécharger

« La danse est une musique des mouvements du corps pour le mouvement des yeux. » Denis Diderot

"Lorsque j’ai découvert l’inde, ce que je disais s’est mis à changer. Et quand j’ai découvert la Chine et le Japon, j’ai changé le fait même de dire quelque chose : je n’ai plus rien dit. Silence : puisque tout communique déjà, pourquoi vouloir communiquer" John Cage



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